Idée… impact ! n°1

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L’idée :

Nous prenons nos décisions en fonction de notre représentation du monde et non en fonction des informations disponibles.

Notre synthèse du livre d’Andreu Solé, Professeur émérite à HEC : « Créateurs de mondes. Nos possibles, nos impossibles », Ed. du Rocher, 2000

Différentes entreprises d’une même industrie, placées dans un même contexte au même moment, suivent des stratégies différentes. Lorsqu’une entreprise change de patron, sa stratégie évolue (avec une transition brutale ou douce selon le style du nouvel arrivant). Ceci s’explique par le fait qu’un dirigeant prend ses décisions non pas en fonction des informations dont il dispose, mais en fonction de sa représentation du monde.

Par notre imagination, nous nous créons un monde, classant les futurs envisageables en trois catégories: les Possibles, les Impossibles et les Inévitables. Par exemple, lors de l’attaque de Pearl Harbour, les radars d’Hawaï détectent les masses d’avions japonais plusieurs centaines de kilomètres à l’avance. L’information est là, mais une attaque sans déclaration de guerre relève du champ des Impossibles pour les opérateurs et leur hiérarchie. Aucune décision ne sera prise sur la base de l’information fournie par les radars.

Le dirigeant n’est donc pas quelqu’un qui décide en fonction d’une réalité extérieure qui s’imposerait à lui, mais en fonction de la réalité qu’il s’est créé par sa vision de ses marchés, de ses clients ou de ses concurrents. Cette structuration est différente selon les dirigeants, et résulte non de son information (généralement largement partagée), mais de ses convictions a priori.

L’impact :

Risk management et allocation d’actifs : imaginons des futurs, enrichissons les Possibles

Notre analyse des impacts

Selon cette analyse, chaque dirigeant a ainsi sa vision du monde : « le big data révolutionnera l’assurance sous un angle technique », « sous un angle commercial », « l’OAT 10 ans à 0,5% » : possible, impossible, inévitable ? Chacun prend ses décisions en fonction de sa réalité, telle que créée par cette structuration personnelle des futurs potentiels.
En partant du principe que le rôle du risk manager est d’assurer que les décisions sont prises en conscience des risques, sur quels outils s’appuyer dans un tel cadre de prise de décision ?

L’enjeu devient d’élargir le champ des « Possibles ».
(1) Se forcer à s’affranchir de sa propre structuration des futurs, à ne pas en catégoriser certains en « Impossibles » a priori, à revenir aux informations pour réévaluer ou non leur classification dans sa propre vision.
(2) Puis, sur cette base, entamer un travail de conviction pour amener le dirigeant à faire basculer, à réintégrer dans le champ de ses « Possibles » des futurs qu’il se refusait d’envisager car tenus pour « Impossibles ».

En matière d’allocations d’actifs, plutôt que de fournir des informations sous formes de métriques abstraites et donc peu susceptibles de faire évoluer une conviction, l’enjeu est ici encore d’enrichir le champ des Possibles : au delà du central (un Inévitable ?) voulons-nous vraiment considérer comme négligeable la possibilité d’être dans une bulle immobilière ? que les taux ne vont pas encore baisser ? que les spreads ne vont pas s’envoler ? que les actions vont poursuivre leur hausse ? Revoyons nos a priori, reformatons nos Possibles et nos Impossibles.

Mauvaise nouvelle : c’est plus long.
Bonnes nouvelles : c’est plus opérationnel ; en assurance, c’est source de pistes de développement ; bref, c’est plus constructif.
Bonne et mauvaise nouvelle : c’est plus responsabilisant !

Sylvestre Frezal, PARI