Que faisons-nous ?

Nos cadres de gestion des risques sont en pleine évolution. PARI a pour objectifs de comprendre leur émergence et de mettre en perspective leurs impacts.

PARI est co-portée par Pierre François et Laurence Barry, qui réunissent une expérience académique et professionnelle forte en matière d’assurance, ainsi que de sociologie des marchés et des organisations et des évolutions de la pensée économique.

Placée sous l’égide de l’Institut Europlace de Finance-ILB, elle associe l’ENSAE Paris et Sciences Po, institutions académiques leaders respectivement dans le domaine des mathématiques financières et de la sociologie des organisations.

Elle bénéficie de partenariats avec BPCE Assurances IARD, CCR, Generali, MAIF et Thélem assurances, acteurs professionnels diversifiés des secteurs du conseil en actuariat, de l’assurance et de la réassurance, en prise concrète avec les évolutions et les enjeux de ces activités.

Elle se positionne ainsi au confluent de la réflexion fondamentale et de l’impact opérationnel, pour irriguer analyses et prises de décisions.

Programme de recherche

2024-2027

L’assurance de demain sera modelée par une série d’enjeux :

programme de recherche 2024-2027 Chaire PARI
Une rupture physique, entraînant de nouveaux enjeux de protection et de prévention

Le contexte de « multicrise » qui accompagne la sortie de la pandémie de Covid 19 met en avant des défis de taille pour les assureurs : une augmentation de la fréquence des sinistres de grande ampleur dans un contexte inflationniste conduit à priori à plus de prudence dans la sélection des risques, alors que les attentes des assurés vont-elles aussi en s’accroissant ; la prévention et la mitigation des risques deviennent primordiales, mais les assureurs sont-ils équipés pour y faire face ? Ce double enjeu met l’assurabilité au cœur des préoccupations de tous les acteurs.

Des enjeux réglementaires et sociétaux

Au cours des deux dernières décennies, les régulations qui s’appliquent aux assureurs ont très profondément affecté leurs métiers, qu’il s’agisse de celles qui concernent directement les dimensions prudentielles ou comptables de leurs activités (Solvabilité 2, IFRS17), celles qui ont une incidence sur la distribution des produits financiers (MIFID, PRIIPS, par exemple), celles enfin dont l’incidence est beaucoup plus large – comme celles qui portent sur la gestion des données (RGPD) ou la lutte contre les discriminations. Tout en restant enchâssé dans ce faisceau d’injonctions réglementaires, l’activité des assureurs s’inscrit par ailleurs dans un nouveau réseau de règles portant directement sur les implications climatiques de leurs métiers, avec l’ensemble des directives et des règlements NFRD, SFDR puis CSRD, et l’évolution potentielle du régime CatNat.

Des enjeux technologiques

La multiplication des données accessibles et la complexité croissante des algorithmes met en avant la possibilité d’une nouvelle détermination causale. Ici aussi, les enjeux sont multiples. Il s’agit avant tout d’« intégrer » le climat dans les modèles de risques ; il s’agit aussi d’affiner nos capacités d’anticipation et de prévention, générant un glissement du rôle de l’assureur d’une dimension avale, vers un positionnement amont. Il faudrait ainsi être en mesure de « mieux expliquer » (les phénomènes et les algorithmes eux-mêmes), mais aussi de convaincre pour agir et transformer les comportements.

Ambition :

Dans ce cadre, PARI a pour objectif de comprendre comment nos outils conceptuels et opérationnels permettent de penser le risque dans ce nouveau contexte. Le programme de recherche mobilisera et articulera pour cela des outils épistémologiques et sociologiques.

Il s’intéressera par exemple aux questions suivantes :
Quelle appréhension et gestion des risques dans la société de demain ?
Quel modèle pour la mutualisation ?
Le progrès technologique fixe-t-il le sens de ce qui est équitable ?
Quel positionnement pour les assureurs ?

Champs d'impact

Les recherches produites par PARI s’attachent à éclairer :

L’appréhension des risques et les problématiques de l’assurabilité

Le marché de l’assurance du futur : acteurs, régulation du contrat et reconfiguration des acteurs

Les nouveaux enjeux pour la mutualisation : impact du climat sur la solidarité

Projets en cours

Assurabilité/inassurabilité - volet épistémologique

Laurence Barry

Dès les années 1980, Ulrich Beck avançait que nos sociétés post-industrielles étaient en passe de devenir inassurables, du fait des risques environnementaux et catastrophiques que cette même industrialisation faisait peser sur l’avenir. Les sociologues ont cependant montré que la prise de conscience de ces dangers s’est accompagnée, à partir des années 1990, de modèles actuariels adaptés à ces phénomènes : l’approche traditionnelle purement « statistique-archiviste » s’est doublée d’une approche par scenarios qui a permis de mettre en place de nouvelles couvertures. L’histoire de l’assurance est ainsi celle du basculement de l’incertain dans le risque quantifié : c’est le cas notamment des catastrophes naturelles (à climat constant), pour lesquelles après des décennies de réflexion sur leur « inassurabilité », plusieurs systèmes nationaux ont été mis en place à partir des années 1960. En sera-t-il de même pour le réchauffement climatique, alors que les experts du climat et les professionnels de l’assurance agitent ensemble le drapeau de son inassurabilité structurelle ? Le défi aujourd’hui consiste à intégrer dans les outils de mesure des risques (physiques mais aussi financiers) les connaissances acquises dans le domaine de la dérive climatique. Mais faut-il s’attendre alors à ce que certains risques, aujourd’hui quantifiés, soient reclassifiés comme inassurables ? Ou vont-ils être constitués en objet de savoir renouvelé par et pour les assureurs ?

En nous appuyant sur la littérature scientifique et les débats autour des enjeux climatiques, nous essaierons de dégager les tendances actuelles dans la mesure de ces risques.

Impacts :
Fondamental : compréhension des enjeux du climat sur les modèles actuariels et mise en évidence des évolutions épistémologiques en cours.
Professionnel : veille sur l’émergence de modèles intégrant le réchauffement climatique.

Assurabilité/inassurabilité - volet socio-économique

Laurence Barry

Poursuivant les études déjà menées au sein de la chaire sur le régime CatNat et son histoire, nous proposons de faire une étude inspirée du calcul socio-économique tel qu’il s’est développé sur les problématiques environnementales, de transport et d’énergie, pour repenser l’assurance des catastrophes en dehors de son cadre actuel. Peut-on, par exemple, aborder le mécanisme d’assurance non plus comme un bien privé – pour lequel le prix payé par chacun correspond au risque qu’il transfère-, mais comme un bien public ? Après tout, l’assurance dans son fondement ne fonctionne que sur un collectif qui choisit, de façon plus ou moins explicite, d’être « solidaire dans l’adversité ». La menace d’inassurabilité devient alors le pendant assurantiel de la « tragédie des communs » : non plus la disparition d’un bien public par effet de sur-exploitation mais par exclusions successives de couvertures et/ou de populations à risque.

Cette étude aura trois volets ; une revue de la littérature existante mettra en avant l’historique et la logique interne de ces méthodes et des hypothèses qui les sous-tendent. L’idée est ici de clarifier le cadre méthodologique et son applicabilité au cas de l’assurance et de la réassurance publique. On explorera également les pistes développées ailleurs au prisme du calcul socio-économique (le système américain de couverture des inondations n’est-il pas issu de cette école ? Qu’en est-il des systèmes britannique, espagnol, néerlandais ?). On s’interrogera enfin sur les agencements possibles des acteurs et des dispositifs chargés de faire face à ces risques. Comment en effet répartir ces coûts supplémentaires entre les différents protagonistes que sont les acteurs privés (mais à condition de mettre en place les bonnes incitations ?), le dispositif de réassurance actuel de CCR, et l’Etat ? Quelles seront les conséquences de ces bouleversements sociétaux pour les mécanismes de solidarité existants ? Nous tenterons de répondre à ces questions sur la base d’une lecture de la littérature en économie publique avec un prisme assurantiel.

Impacts :
Fondamental : appréhension des mécanismes d’assurance dans un cadre théorique alternatif.
Professionnel : mieux saisir le rôle possible et souhaitable des assureurs dans la couverture des risques catastrophiques.

Prévention - volet sociologique

Pierre François

Pour les assureurs, une manière récurrente de faire face aux enjeux soulevés par le changement climatique consiste à insister sur la prévention des risques qui peuvent lui être attachés. Pour faire face aux risques, l’assurance, qui indemnise les assurés après que le risque s’est réalisé, doit être complétée par la prévention, qui diminue sa probabilité d’occurrence. Dans ce travail de prévention, les assurés, leur perception du risque et les pratiques qui en découlent, sont une pièce déterminante. Mais leur assigner un rôle décisif risque de relever du vœu pieu si l’on ne dispose pas d’une compréhension adéquate des logiques qui sous-tendent leurs comportements. On commence à disposer d’une saisie précisément documentée des tensions qui affectent les comportements de consommation face au changement climatique (Coulangeon et al. 2023). Comme toutes les pratiques de consommation, celles qui engagent, d’une manière ou d’une autre, un rapport au changement climatique sont étroitement indexés sur les propriétés sociales de ceux qui les mettent en œuvre : sont-ils riches ou pauvres ? urbaine ou ruraux ? hommes ou femmes ? jeunes ou âgés ? ; mais, surtout, ces pratiques – davantage encore que dans la plupart des comportements de consommation, où ces contradictions peuvent exister – entrent souvent en contradiction frontale avec les informations dont disposent les consommateurs, les implications qu’ils en tirent et les valeurs qu’ils adoptent.

Les pratiques de consommation, face au changement climatique, peuvent d’une manière générale se décrire dans un espace à deux dimensions, selon qu’ils sont plus ou moins sobres, et selon que ceux qui les mettent en œuvre se disent plus ou moins conscients des enjeux environnementaux. On pourra avant tout dresser un état des lieux précis et circonstanciés de ces contrastes et de ces tensions en matière assurantielle. L’enquête de Coulangeon et al. porte en effet sur un portefeuille élargi de consommations, et ne réserve aucune part à la déclinaison de ces différents profils dans leurs pratiques d’assurés. Et si l’on peut faire l’hypothèse que, d’un point à l’autre du cadran décrit par Coulangeon et ses co-auteurs, le potentiel de mobilisation des assurés sera effectivement contrasté, il faut en proposer un bilan précis et circonstancié. C’est ce que nous nous proposons de faire, en ajoutant au questionnaire adressé par cette équipe de recherche (avec laquelle nous entretenons des liens étroits) un module portant spécifiquement sur les questions assurantielles. Les réponses aux questions spécifiques posées sur les pratiques des assurés pourront être replacées dans un double référentiel : celui des propriétés sociales des enquêtés (âge, genre, lieu d’habitation, profession et catégorie sociale, etc.), et celui de leurs autres pratiques dont on voit qu’elles dessinent des configurations parfois elles aussi contre-intuitives.

Impacts :
Fondamental : compréhension des attentes et des logiques d’actions des assurés en matière d’assurance liée aux risques climatiques.
Professionnel : mise en place de dispositifs de préventions cohérents avec les pratiques et les attentes des assurés.